mardi 5 janvier 2010

La compassion d’un initié carnivore


En 1998, au centre tibétain de Lérab Ling, fief du maître tantrique Sogyal, je déjeunais à côté d’un jeune occidental, un initié du vajrayana secret et de surcroît un Dzogchenpa confirmé.

Le jeune méditant avalait goulûment un énorme roast-beef. Etonné par une telle voracité, je demandai à l’initié carnivore de m’éclairer sur le régime alimentaire des grands méditants. Il me rétorqua avec une expression de mépris, il avait vu le contenu de mon assiette qui trahissait le végétarisme des profanes :
« Notre maître, le vénérable Namkhaï Norbu Rimpoché, nous incite à manger de la viande par compassion pour les animaux. En effet, en mangeant la chair des êtres inférieurs nous les aidons à progresser. Leurs énergies subtiles se bonifient durant la digestion de leur chair. »

Le raisonnement de l’initié me laissa sans voix. Avait-il conscience qu’une telle théorie autorise la pratique du cannibalisme rituel ? En prétextant la compassion on peut satisfaire toutes sortes d’obscures pulsions. Au nom de l’amour de Dieu, des religieux pervers ont fait dénuder, torturer et brûler d’innocentes femmes accusées de sorcellerie.

Quelques mois plus tard, j’apprenai que le lama Namkhaï Norbu, grand carnivore devant Padmasambhava, le prophète du Vajrayana, souffrait d’une grave maladie. Il échappa à la mort grâce à la science moderne et à de nombreuses transfusions sanguines. Le sang des profanes sauva le grand maître tibétain.

Des initiés, convaincus que le carnivorisme est un acte de compassion, seront peut-être plus sensible à la qualité des chairs qu’ils ingurgitent.





Photo : Namkhaï Norbu